LIBÉRER

Faire comprendre son harcèlement à son entourage

La plupart des campagnes de sensibilisation au harcèlement scolaire – pour ne pas dire toutes – invitent les victimes à PARLER. Comme si elles ne parlaient pas déjà, ou alors pas assez bien pour être en droit de recevoir une aide adaptée qui mettrait fin à leurs souffrances. Comme si, l’aide qu’on devait leur apporter était conditionnée à leur parole, à leur BONNE parole. Cette parole devant être suffisamment claire, précise et démontrée pour qu’enfin la victime ne soit plus niée dans ses souffrances et qu’elle soit crue et soutenue.
 
À nos oreilles, cette invitation à parler sonne comme un reproche lancé à ces enfants et adolescents en souffrance, comme un sous entendu inacceptable : « On ne peut pas vous aider si vous ne parlez pas, ou pas assez bien ! » 
 
Mais quelle parole attendons-nous exactement pour empêcher ou mettre un terme à la souffrance que vivent ces enfants ? 
 
Parler d’une situation qui nous fait souffrir est extrêmement difficile. Les mots ne parviennent pas à sortir et quand ils sortent ils ne sont pas suffisamment justes et nombreux pour faire comprendre l’étendue de notre souffrance. Notre mémoire nous fait défaut, nous avons du mal à décrire les faits avec précision ou dans l’ordre dans lequel nous les avons vécus. Les autres peinent alors à comprendre ce que nous ressentons et dans ces conditions, ne peuvent nous  apporter le soutien que nous attendons.
Si parler est si difficile, ce n’est pas parce que nous ne savons pas trouver les bons mots, c’est parce que NOUS NE LE POUVONS PAS ! Il s’est produit quelque chose dans notre cerveau qui ne nous permet plus de parler normalement de ce qui nous arrive.

Pourquoi je n’arrive pas à parler de ce que je vis ?

Pour le comprendre, voyons ce qui se passe dans notre cerveau :
Le cerveau reptilien est commun à tous les animaux. Il se situe au plus profond du cerveau, en haut de la colonne vertébrale, dans le tronc cérébral. C’est lui qui gère le bon fonctionnement de notre corps, de nos organes, du sang et nos comportements les plus archaïques.
 
Le cerveau limbique est commun à tous les mammifères. Il est le siège des émotions et de la mémoire. Il permet de détecter ce qui se passe en nous et hors de nous et de s’y adapter.
 
Et enfin, le cortex est commun aux grands singes. C’est un cerveau rationnel, cognitif. Il s’intéresse avant tout à ce qui se passe à l’extérieur de nous. Il nous permet de communiquer, de créer et de coopérer. Il est le siège de notre conscience. Contrairement au cerveau limbique et reptilien.
 
Dans le cerveau, 4 zones nous intéressent particulièrement :
Le thalamus reçoit les informations de l’extérieur et, un peu comme une gare de triage, les oriente vers différentes zones du cerveau aptes à les recevoir.
 
L’amygdale est un peu notre détecteur de fumée. C’est elle qui décide si la situation que  nous vivons est dangereuse pour nous ou non. Pour le savoir elle compare les informations qui lui parviennent à celles contenuent dans l’hippocampe qui est le siège de notre mémoire.
 
Et enfin le lobe préfrontal nous permet de réfléchir, de planifier, d’organiser, de parler…
 
Quand on vit une situation qui ne nous met pas en danger, les informations concernant  cette situation parviennent au thalamus par nos sens. Le thalamus agence ses informations en une histoire cohérente, avec un début et une fin et qui s’inscrit dans le temps.
 
Cette histoire va être aiguillée vers les lobes préfrontaux pour y être finement analysée, décortiquée et nous allons y réfléchir pour pouvoir en parler – et – vers  l’amygdale qui va vérifier la dangerosité de la situation. Pour ce faire, elle va  comparer les informations reçues, au stock d’informations dangereuses situé dans l’hippocampe.
 
En situation normale, les informations arrivent donc au thalamus, sont renvoyées à notre conscience qui se situe dans les lobes préfrontaux ainsi que vers l’amygdale, dont nous n’avons aucune conscience.
Mais quand nous vivons une situation qui nous effraye, ce n’est plus du tout ce qui se  passe.
 
Les informations de la situation effrayante sont orientées vers le thalamus qui, sous l’impact de l’urgence et de la douleur, se bloque, ce qui brise une partie des liaisons qu’il a avec les lobes préfrontaux. Il le fait pour nous protéger, il nous épargne de prendre conscience d’événements insoutenables qui pourraient nous mener à la mort. Les informations concernant l’action extérieure effrayante n’iront donc pas vers les lobes préfrontaux pour y être analysées consciemment et finement.
 
Parce qu’il y a urgence à réagir, les informations concernant la situation effrayante iront directement vers l’amygdale pour d’une part être enregistrées dans l’hippocampe comme informations dangereuses et vitales et, d’autre part, pour alerter le tronc cérébral, que la situation nécessite des réactions de type archaïque telles que la fuite, le combat ou le figement.
Ces réactions ne se font pas en conscience. On ne peut donc pas les contrôler. Puisqu’il n’y a plus de liaison entre le thalamus et le cortex préfrontal, on ne parvient plus à analyser la situation, à en parler de façon chronologique, précise, organisée avec un début et une fin. On ne parvient plus à trouver du sens à ce qu’on vit et encore moins des solutions pour en sortir. La partie du cerveau qui, normalement le permet, n’est plus connectée. Et cette déconnexion est permanente. Seule une thérapie adaptée permettra de retrouver ces connexions.

Quelles actions extérieures peuvent provoquer le blocage de mon thalamus ?

Il faut savoir que le thalamus ne bloque la communication avec les lobes préfrontaux que dans 2 circonstances : pendant notre sommeil et lors d’événements insoutenables pour nous éviter de  mourir par état de choc.
 
Ces événements insoutenables sont communément les actions extérieures brutales telles des scènes de guerre, des agressions sanglantes, des accidents dramatiques, des faits facilement identifiables tant ils sont agressifs, choquants et brusques. Mêmes si ce sont les causes les plus terribles, c’est loin d’en être la majorité. Les causes les plus courantes de blocage de notre thalamus sont les expériences de rejet et la solitude, et ce, quel que soit notre âge.  
 
Rejet et solitude : les conséquences mêmes du harcèlement !
Plus une situation est dangereuse, plus notre cerveau conscient est coupé parce que trop lent à réagir et trop fragile à résister aux chocs. La violence ou la répétition de ces situations dangereuses détruisent les connexions entre le thalamus et les lobes préfrontaux, de façons permanente. Seule une thérapie adaptée peut renouer ces connexions.

Quelles sont les conséquences directes sur mon cerveau ?

Les connexions neuronales entre le thalamus et les lobes préfrontaux sont extrêmement nombreuses. Seules les connexions sollicitées lors de la blessure sont détruites. Plus leur nombre est important plus les conséquences sont importantes. Plus notre consciente est altérée de façon permanente.
 
Quelle que soit l’intensité de notre blessure cérébrale, une partie de nos capacités cérébrales sont donc endommagées :
 
L’absence ou la mauvaise mémorisation consciente des faits. Vous comprenez donc qu’il nous est extrêmement difficile de trouver les mots quand les faits n’ont pas été enregistrés dans notre conscience, nous n’avons pas d’histoire à raconter ! Nous ne savons qu’en partie ce qui s’est réellement passé.
 
L’absence ou la mauvaise chronologie des émotions et des sensations : le thalamus nous donne la chronologie des faits. Avec un début et une fin dans notre histoire. Comme il est bloquén, notre souffrance devient intemporelle et permanente.
 
Les aires du langages sont également atteintes. De fait, nous n’avons pas la possibilité ou alors nous connaissons de très grandes difficultés à parler de ce qui nous est arrivé. Nous n’avons pas les mots et nous ne pouvons les oraliser.

C’est la raison principale pour laquelle je ne parviens que très difficilement à demander de l’aide.

Demander à une personne subissant du harcèlement scolaire de parler c’est comme si nous demandions à une personne à la jambe cassée et plâtrée de courir : c’est inapproprié, impossible et extrêmement douloureux !
Dans ces conditions, comment demander de l’aide adaptée à un de vos proches, à un ami ou à une personne à qui vous accordez confiance ?

La premier chose que vous pouvez vous dire pour obtenir de l’aide et sortir de cette situation extrêmement douloureuse, c’est que vous n’en êtes pas responsable ! Le harcèlement que vous subissez n’est pas de votre fait. Nous savons que vous éprouvez très probablement de la honte pourtant vous êtes très courageux. Beaucoup ne pourraient endurer ce que vous subissez.

Puisque vous nous lisez, vous avez fait le plus dur. Il ne manque plus grand chose avant que vous puissiez aller mieux.

Vous pouvez maintenant nous contacter : parce que nous savons tout ceci, nous n’avons pas besoin de votre histoire pour pouvoir vous apporter l’écoute et le soutien qu’il vous faut. Nous saurons vous accueillir et vous mettre en confiance. 


S’il est encore trop difficile pour vous de prendre contact avec nous, vous pouvez communiquer à votre personne de confiance, l’adresse de notre site internet. Avec les informations qu’elle y trouvera elle saura comment vous apporter son soutien et nous contactera à défaut..

Et si vous ne souhaitez pas faire appel à nous, vous pouvez écrire chaque jour les éléments des situations effrayantes que vous avez conscientisés et les émotions que vous avez vécues. Même s’ils sont peu nombreux, si vous répétez cet exercice tous les jours, vous pourrez transmettre ces écrits et votre personne de confiance. Elle aura alors la démonstration que ce que vous vivez et inacceptable et effrayant et elle pourra mieux vous comprendre.